Laurenziopoli : la citadelle de Laurent
Pendant les siècles qui suivirent, la petite basilique « constantinienne » primitive tomba en ruines et la nouvelle, connue sous le nom de « pélagienne », se convertit en point central de Laurenziopoli (la ville de Laurent) une citadelle créée et fortifiée sur l’ordre de Clément III (1187-91). Le territoire de Laurenziopoli, entouré de murailles, comprenait deux couvents, des églises, des bibliothèques et des centres d’accueil pour les pèlerins et les indigents.
On doit au pape Honoré III (1216-27) l’aspect actuel de la basilique ; l’ancienne basilique de Pélage est l’actuel presbytère. Le cloître, qui date de la fin du 12e siècle, est ce qui reste de la Laurenziopoli médiévale ; c’est par là qu’on descend aux catacombes de Santa Ciriaca, où en l’an 258 la future sainte avait enseveli les restes carbonisés du martyr Laurent.
Dans la basilique se trouvent aussi les sépulcres de cinq pontifes : saint Zosime, saint Sixte III et saint Hilaire, qui subirent le martyre au 5e siècle, auxquels s’ajoutent Damase II (11e siècle) et le bienheureux Pie IX (1846-78) le pape qui eut le règne le plus long de l’histoire.
Trône épiscopal du 13e siècle
Saint Laurent
Une forme improbable de martyre
On dit qu’il fut rôti sur un grand gril, et même si son iconographie le représente ainsi, de nombreux hagiographes mettent en doute ce type spécifique de martyre. Quoiqu’en ait été le procédé, selon le célèbre poète hispano-latin Prudence, l’horreur des tortures infligées au martyr Laurent amorça le déclin de l’idolâtrie romaine. C’était en l’an 258.
De grandes personnalités du christianisme ont écrit sur Laurent : Ambroise, Léon le Grand et Augustin, parmi beaucoup d’autres. Laurent est vénéré autant en Occident qu’en Orient, car c’est le plus connu des diacres romains.
A Rome quatre églises lui sont consacrées : San Lorenzo in Fonte, in Miranda, in Panisperna, in Piscibus; ainsi que trois autres basiliques : San Lorenzo in Damaso, San Lorenzo in Lucina et San Lorenzo al Verano, construite sur sa tombe, via Tiburtine.
Ciriaca, sa protectrice
Ce fut une matrone romaine qui donna une sépulture au corps carbonisé de Laurent. Elle s’appelait Ciriaca ; elle l’ensevelit dans une tombe familiale qu’elle possédait dans le bourg de «Campus Veranus», nom qui vient d’une très ancienne famille républicaine de Rome, les Verano, propriétaires de nombreuses terres dans cette zone.
La matrone Ciriaca protégea toujours Laurent. Elle avait mis sa maison à la disposition du diacre pour qu’il puisse recevoir et donner à manger aux pauvres. Après avoir enterré Laurent, elle fut martyrisée par flagellation. Ciriaca fut canonisée par volonté populaire comme Sainte Ciriaca de Rome. Les canonisations de l’époque étaient moins « scientifiques » mais plus « républicaines ».
Double basilique pour un diacre
A partir de l’enterrement de Ciriaca (en l'an 258), un pèlerinage s'organisa sur la tombe du diacre et se poursuivit sans interruption jusqu’à l’empire de Constantin, qui, en l’an 330, voulut ériger une grande basilique sur la tombe du martyr. Mais du fait que dans la zone du sépulcre il y avait des catacombes qui s’étendaient sur cinq niveaux souterrains, il dut se limiter à faire construire une petite basilique tout près, mais pas ad corpus comme il l’aurait voulu.
Deux siècles plus tard le pape Pélage II (579-90) fit stabiliser le terrain et construire une autre basilique plus grande, à côté de la constantinienne et cette fois ad corpus sur la tombe du martyr. Dans cette nouvelle basilique on déposa les reliques du proto-martyr Etienne, transportés de Byzance jusqu’à Rome.
Saint-Laurent hors les murs
Sous le gouvernement impérial de Valérien (253-60), la persécution des chrétiens consistait à exproprier les biens de leur communauté et à condamner à mort ipso facto ceux qui professaient le culte. Le pape Sixte II fut égorgé pendant une messe célébrée dans les catacombes de Saint Callixte, ainsi que quatre de ses diacres (Janvier, Magne, Vincent et Étienne). Deux autres diacres (Felicissimus et Agapitus) furent, selon le Liber Pontificalis, égorgés le même jour (6 août) dans les proches catacombes de Saint Prétextat. Quatre jours après l'archidiacre espagnol Laurent fut à son tour martyrisé.
Dans sa fonction d’archidiacre, Laurent avait sous sa responsabilité les biens de la communauté chrétienne de Rome. Légende ou non, le pape Léon le Grand (5e siècle) relate qu'il reçut l'ordre de livrer au gouvernement impérial tous les biens administrés. Le jeune archidiacre avait déjà tout distribué aux pauvres. Il se présenta devant l'empereur avec un groupe d'orphelins, disant que l'Église n'avait pas d'autre richesse que ces miséreux. Il fut donc condamné au martyre.
Basiliques Mineures
Intérieur de la basilique Saint-Laurent hors les murs
Son deuxième martyre
Au 19e siècle, dans les alentours de la basilique fut créé le premier cimetière communal de Rome, dont le nom officiel est « Cimitero Comunale Monumentale Campo Verano », dans le quartier de la Tiburtine. C’est la seule zone de Rome qui fut bombardée (19 juillet 1943) par l’aviation nazie pendant la Deuxième Guerre Mondiale.
Mais l'ancienne basilique Saint-Laurent fut entièrement et très fidèlement restaurée et réhabilitée au culte en 1949.
Marcelo Yrurtia
Martine Ruais