Le transport et l’élévation de l’obélisque fut une tâche réellement pharaonique, le monolithe mesurant presque 26 mètres et pesant 350 tonnes.
Le pape Sixte V autorisa la démolition de tous les édifices qui faisaient obstacle aux opérations de transport, y compris une partie de la Sacristie de l’antique basilique.
Les travaux de préparation commencèrent le 30 avril 1586, mais les fortes températures de l’été romain imposèrent une pause pendant le mois de juillet.
L’obélisque fut transporté en 52 « étapes » avec la participation de 900 hommes et de 140 chevaux. Devant une multitude anxieuse, il fut dressé le 10 septembre et béni par Sixte V le 27 du même mois.
Symbolique représentation de la famille Bresca
Tous les ans les villes de San Remo et de Bordighera livrent à la Cité du Vatican un cadeau historique symbolique, les traditionnels “Parmureli”. Il s’agit d’une composition faite de feuilles de palmes entrelacées, venant de ces deux villes.
Plus de 2000 compositions florales sont distribuées sur la place Saint-Pierre parmi ceux qui assistent à la bénédiction papale. Une centaine de parmureli d’environ 1 mètre sont destinés aux cardinaux et un particulièrement grand est destiné au Saint Père.
C’est le seul des 13 obélisques égyptiens de Rome sur lequel ne sont pas gravés d’hiéroglyphes. Il fut érigé à Héliopolis en Égypte (20e siècle av. J.-C.) sur les ordres du pharaon Amenemhat II, en reconnaissance au dieu du soleil Ra, pour avoir recouvré la vue.
Caligula le fit transporter à Rome en l’an 37. Dans son Histoire Naturelle, Pline le Vieux relate que, avec la grandiloquence et la folie qui le caractérisaient, Caligula exigea que l’obélisque de son cirque fût un égyptien authentique. « Pour le transporter depuis l’Égypte, il fit construire un navire de dimensions et beauté telles qu’il n’en avait jamais existé auparavant » ajoute Pline. Pour éviter de briser le monolithe, ils chargèrent dans le bateau des tonnes de lentilles qui servirent de matelas amortisseur.
Serait-il possible qu’un jour il sorte de son mutisme de pierre et nous raconte tout ce qu’il sait et tout ce qu’il a vu ?
Domenico Fontana (Mélide 1543 – Naples 1607)
Quittant son Lugano natal, le jeune architecte arriva à Rome. Ses premières œuvres, en tant que modeste plâtrier à l’église Sainte-Marie en Valicella, n’auraient pas laissé supposer le brillant avenir de cet extraordinaire génie.
Il n’avait que 27 ans quand le Cardinal Felice Peretti (futur pape Sixte V) l’engagea pour réaliser un plan d’urbanisme régulant les principales artères de la capitale, avec ouverture de nouveaux accès pour faciliter les pèlerinages entre les quatre grandes basiliques patriarcales.
Dans une illustration du 15e siècle, on voit encore l'obélisque, au même endroit où l'avait placé Caligula en l'an 37, pour indiquer le point central de la «spina» de son Cirque. Son cousin Néron en hérita et l'utilisa.
Quand le capitaine commande …
C’était le 10 septembre 1586. L’obélisque du Cirque de Néron devait être transporté à environ 300 m de là, en face de la basilique Saint-Pierre, bien avant que soient achevées la basilique et sa place.
Depuis l’aube les romains s'étaient rassemblés tout autour pour assister au spectacle. Le transport d’un monolithe de presque 26 mètres de haut (un édifice moderne d’environ 9 étages) et 350 tonnes était un vrai spectacle, surtout avec ses figurants : 900 ouvriers et 140 chevaux, des centaines de mètres de cordes, des outils et des machines de tout genre, la plupart d’entre eux inventés par le grand architecte.
Un seul problème pourtant : il était formellement interdit de parler, aussi bien aux ouvriers qu’au public. Seul l’architecte Fontana avait le droit de parler, étant l’unique responsable de la direction des opérations. L’imposition du silence était si stricte, que celui qui ne la respectait pas devait mourir : le bourreau et la potence étaient prêts sur la place (ce fait n’est ni anecdotique, ni même scénographique). La règle était claire : peine de mort à celui qui émettait un son, à l'exception de l’architecte Fontana.
Quelques heures après avoir commencé le transport, et déjà en phase de redressement de l’obélisque, l’un des ouvriers temporaires –marin de profession- cria soudain à pleine voix à plusieurs reprises ¡¡¡Acqua alle funi… acqua alle funi!!! (De l’eau sur les cordes). L’architecte Fontana compris immédiatement le message désespéré de cet homme, et lui aussi se mit à hurler l’ordre avec insistance.
Le marin avait remarqué que les cordes commençaient à se tendre dangereusement, et grâce à son expérience dans la marine, il savait que les cordes de chanvre se raccourcissaient et se durcissaient en les mouillant, ce qui augmentait considérablement leur résistance. Exécutant les ordres, les gardes s’emparèrent immédiatement du coupable qui « avait rompu le silence ». Mais le pape qui assistait à la scène, le fit libérer et le remercia pour son courage. Apprenant que c’était un marin propriétaire d’un petit navire, il l’autorisa à naviguer avec le pavillon du Vatican hissé sur son mat. Un peu plus tard, le même pontife accorda une très bonne pension à ce capitaine qui s'appelait Benedetto Bresca. Il décréta en outre que Bresca, sa famille et ses descendants, auraient l’honneur et l’exclusivité de l’approvisionnement des branches d'oliviers pour le Dimanche des Rameaux, au début des célébrations de la Semaine Sainte à la Basilique Saint-Pierre.
Pendant de nombreuses années les oliviers de la famille Bresca ne manquèrent jamais à Saint-Pierre pour les Rameaux. Depuis le milieu du 20e siècle, c’est la mairie de San Remo qui continue la tradition.
A Bordighera –son village natal en Ligurie- on dit que parfois on entend le cri désespéré de Acque alle funi, de ce marin qui, au risque de sa propre vie, sauva celle du célèbre obélisque.
Du Transport de l’Obélisque Vatican et des ateliers de Notre Seigneur
le pape Sixte V, réalisé par le Chevalier Domenico Fontana
Architecte de Sa Sainteté, Rome 1590.
Tel est le titre de la publication de l’architecte Fontana, sur le transport et la mise en place de l’obélisque du Vatican, qui suscita beaucoup d’intérêt, à cause de la divulgation de ses techniques révolutionnaires et la présentation d’infinité d’outils
et ustensiles inventés par lui pour une telle entreprise.
… l’un des ouvriers temporaires -marin de profession- cria soudain à pleine voix à plusieurs reprises
dans son dialecte ligure "Daghe l'aiga ale corde !!!" (De l’eau sur les cordes !).
L'obélisque
Pendant sa longue période romaine, il travailla avec son frère aîné Giovanni –extraordinaire ingénieur hydraulicien- et son neveu Carlo Maderno, l’architecte chargé de réaliser le plan en croix latine de la basilique Saint-Pierre et de la façade monumentale.
A la mort de Sixte V (fin de 1590) Fontana s’installa à Naples, où en 1592 il fut nommé «Architecte Royal et Premier Ingénieur du Royaume». C’est là qu’il réalisa son rêve d’architecte : le Palais Royal.
Domenico Fontana mourut à Naples le 28 juin 1607. Son corps repose à l’église Sainte-Anne des Lombards, dans la capitale parthénopéenne.
L'un des escaliers d'entrée du Palais Royal de Naples.
Le dimanche des Rameaux, une centaine de cardinaux marchent en procession de l’obélisque jusqu’à la basilique, portant en commémoration les « parmureli » ligures.
Les membres de la famille Bresca préparaient des rameaux d’oliviers.
Les « parmureli » sont une ancienne tradition ligure, spécifique à San Remo et Bordighera.
Le témoin muet : l’obélisque
Le premier à vouloir placer l’obélisque devant la basilique fut le pape Nicolas V, au début du 14e siècle. Ensuite, et pendant presqu’un siècle et demi, de nombreux successeurs voulurent faire de même, mais la complexité de la tâche fit échouer tous les projets réalisés pour le transporter. Seul le génie de Domenico Fontana réussit à relever le défi. L’obélisque se trouvait à 300 m de l’emplacement actuel. Les ruines du Cirque de Caligula et de Néron étaient cachées sous la basilique, mais « lui », l'obélisque, tel un spectateur distrait au milieu de la foule, restait là à tout voir et écouter depuis presque 2000 ans.
Saint-Pierre au Vatican
Fontana se distingua parmi les plus grands architectes de la Renaissance, par sa capacité de résoudre des problèmes de génie mécanique. C'est lui qui organisa le transport, d’un point à l’autre de la ville, des énormes monolithes de centaines de tonnes, sans aucune casse : les célèbres obélisques égyptiens de Rome.
A partir de 1586, en quatre ans il transporta les obélisques du Vatican, de Sainte-Marie Majeure, de Saint-Jean de Latran et de la Place du Peuple. Son livre sur le transport et la mise en place de l’obélisque du Vatican, publié à Rome en 1590, suscita un grand intérêt.
Pendant la même période (1585-90) il appliqua son génie à des œuvres importantes : la chapelle Sixtine de la basilique Libérienne, le Palais du Latran, le Palais du Quirinal (au début papal, puis royal et actuellement présidentiel), la Bibliothèque Vaticane, en plus des travaux en collaboration avec Della Porta pour réaliser la coupole de Michel-Ange, à la mort du maître.
L'architecte Domenico Fontana
De l’eau sur les cordes !
Marcelo Yrurtia
Martine Ruais