A la mort de Jésus, Jérusalem était déjà une ville polyglotte. La population parlait l’hébreu et l’araméen, les fonctionnaires administratifs de l’Empire romain parlaient le latin. Sans compter une grande quantité de juifs hellénisés durant la diaspora, qui parlaient le grec et le Koiné, langue dérivée du grec, d’usage commun dans tout l’Empire romain, et dans laquelle furent diffusés les Évangiles avant leur traduction latine.
Pendant les pèlerinages au temple de Jérusalem, ces juifs hellénisés de la diaspora -depuis longtemps établis à l’étranger- encouragés par les prédications de Saul de Tarse, entrèrent en contact avec les premiers chrétiens. Bon nombre de ces Juifs (de langue et culture grecque) s’installèrent à Jérusalem et se convertirent au christianisme. C’est ainsi qu’apparut la fraction judéo-chrétienne helléniste, côtoyant celle qui existait déjà, c’est-à-dire la fraction judéo-chrétienne hébraïque, appelée Hiérosolomytaine = de Jérusalem. Cette dernière -fidèle à la Loi de Moïse- constituait le noyau principal du christianisme primitif à Jérusalem, les Douze Apôtres et les descendants de la famille de Jésus appartenaient à cette communauté.
Entre les deux fractions, la judéo-chrétienne hébraïque -traditionaliste- et la judéo-chrétienne helléniste -de caractère ouvertement cosmopolite-, les tensions étaient inévitables. La prédominance de la fraction hébraïque cessa avec la destruction de Jérusalem et du Temple, suite au siège de Titus de 66 à 70 (1er siècle). C’est alors que la fraction helléniste gagna du terrain et finit par isoler le christianisme de sa souche juive.
Avec leurs idées « libérales », les hellénistes provoquaient les autorités juives, qui décidèrent de lancer une persécution contre eux. L’helléniste Etienne (Stephanos) fut le premier martyr parmi les promoteurs du christianisme ; assassiné par lapidation (Actes 7, 59 et 60). La lapidation était l’une des formes d’exécution utilisées par les juifs. Il s’ensuivit une violente persécution contre tous les chrétiens hellénistes de Jérusalem. Les Apôtres restèrent à Jérusalem, car ils n’avaient rien à craindre : c’étaient des chrétiens hébreux fidèles à la Torah et au Temple. Les chrétiens hellénistes durent s’enfuir pour se mettre à l’abri des persécutions. Ils se réfugièrent d’abord en Judée et en Samarie (actuelle Cisjordanie), puis à Antioche en Syrie, qui était alors la troisième ville de l’Empire Romain après Rome et Alexandrie en Egypte. «Et ce fut à Antioche, où pour la première fois les disciples reçurent le nom de chrétiens» (Actes 11, 26).
D’Antioche, ils décidèrent d’aller directement à Rome.
Mais dans la capitale impériale, ils rencontrèrent aussi une forte opposition de la part des judéo-hébreux, immigrés bien avant eux…
Dans l’empire romain coexistaient plusieurs communautés religieuses qui, en plus de leurs divinités, rendaient le culte obligatoire à l’empereur. Les chrétiens étaient les seuls à ne pas sacrifier à l’empereur, ils allaient jusqu’à mourir pour confesser leur propre foi et témoigner de la barbare crucifixion de Jésus. C’est ainsi qu’apparut le terme d’origine grecque μάρτυς (martyr), qui signifie témoin, ou bien celui qui témoigne.
Les membres de la communauté chrétienne de Rome avaient commencé à honorer les tombes de Pierre et de Paul vers les années 70 ; les pèlerinages se multipliaient dû au nombre croissant de martyrs des persécutions anti-chrétiennes. La plupart des pèlerins et des romains, qui risquaient leur vie pour aller se recueillir sur leurs tombes, avaient connu personnellement les martyrs : ils étaient amis, parents ou voisins de quartier. Ces martyrs n’appartenaient pas à un passé lointain et anonyme, dont ils vénéraient les reliques légendaires… mais ils se trouvaient précisément ici, à Rome, près de chez eux, où leurs restes reposent encore aujourd’hui.
Avec l'Edit de Milan (313), les pèlerinages s'intensifièrent, avant même la consécration des grandes basiliques chrétiennes de Rome : Saint-Jean de Latran, Saint-Pierre au Vatican et Saint-Paul hors les murs.
Les scholæ peregrinorum furent construites des siècles avant l'institution de l'Année Sainte (1300) aux alentours de la basilique romaine érigée sur la tombe de Pierre : elles sont les très lointains ancêtres des hôtels de tourisme.
Rome Chrétienne n’est pas seulement un lieu de rassemblement de touristes, pèlerins, religieux et laïcs, qui se promènent dans des magnifiques palais, d’admirables églises et des ruines millénaires … , mais c’est surtout la ville où sont conservées les racines les plus profondes et authentiques du christianisme occidental, héroïque opposant au plus grand empire de l’Histoire, l'Empire Romain contemporain de ses origines.
Les auteurs présentent dans ce site un ample panorama d'histoire, de politique, de culture et d'art, soigneusement documenté, qu'ils destinent à tous les lecteurs, qu'ils soient pèlerins ou touristes, croyants ou athées.
Marcelo Yrurtia
Martine Ruais